Clément Renaud

La science n'est pas une communauté d'opinions


NB: J’ai écris ce commentaire en réponse à un article paru dans AOC Media - Urgence thérapeutique, controverses et production de la preuve dans l’espace public – à propos de l’hydroxychloroquine (derrière paywall) dont voici un extrait :

“Si l’on résume ce dont Didier Raoult est le nom, c’est le fait que l’espace public devient un espace quelque peu fracturé, où coexistent des communautés d’opinions sur la science, qui fabriquent la connaissance qu’elles considèrent comme crédibles selon des critères distincts.”

Cet article présente une discussion de bon ton dans l’académie, mais rate à mon sens une question épistémologique plus centrale : la science serait-t-elle également une communauté d’opinions?

Alors que La “science” - les citations en italique issues de l’article original - est bien la première à se tailler sur mesure ses petits “régimes de véracité” qui l’arrangent autour d’une “mosaïque” de “communautés d’opinions” - que les auteurs voient plutôt dans un “espace public” bizarrement.

Personnellement, je trouve un peu fatigant ces éditos de scientifiques qui arrivent à se dédouaner en parlant de numérique, de politique et finissent par mettre les problèmes sur le dos de l’urgence, pour conclure “Cette situation devrait conduire à inventer des moyens qui permettent…”

Quelle situation exactement? Les conflits entre modélisation et empirie (ici épidémio/clinique)? L’absence de discussions entre disciplines? Le fait qu’au bout de 100 ans on en soit encore à demander “alors tu fais plutôt du quali ou du quanti”? Le fait qu’un type dans un labo marseillais est une dizaine de milliers de citations et concentre ainsi une autorité disproportionnée? Ou alors peut-être le fait que les serveurs pre-print comme Medrvix ressemblent étrangement à ma boîte de spam aujourd’hui?

Et si ce dont Didier Raoult était le nom justement, c’était de l’incurie avec laquelle les “scientifiques” traitent la connaissance ? On en parle quand de l’inadéquation des processus de la recherche aux réalités du monde actuel? des citadelles de chercheurs défendant leurs petites méthodes-calculettes, des publications désuettes, de la hiérarchie quasi médiévale, des pratiques de travail d’un autre temps, du mépris pour la communication scientifique, etc?

Non, congratulons-nous plutôt de “la réussite de la communauté scientifique face à sras-cov-2” en espérant que tout cela regonfle un peu le budget recherche du ministère l’an prochain. Ca permettra de payer 2-3 doctorants pour faire avancer un quelconque projet administratif de prestige pour le labo.

La science a le beau rôle, mais j’aimerai bien un peu plus d’introspection parfois… “A blind spot bigger than the sun” comme on dit. L’urgence créée par covid19 ne fait que révéler des dysfonctionnements bien plus profonds de la société dont la science est partie intégrante.

Pour les scientifiques, l’urgence est, il me semble, de considérer leurs rôles dans ce qui disfonctionne aujourd’hui pour continuer à réinventer leurs pratiques.